La deuxième édition du Forum international Avenir Territoires (Fiaterr) s’est ouverte, hier, à Rabat, la capitale marocaine. Les enjeux liés au financement du développement des territoires, principalement la recherche de solutions réalistes et innovantes aux défis auxquels ces entités font face, ont mobilisé la réflexion des participants venus d’un peu partout.
De notre envoyé spécial au Maroc, Elhadji Ibrahima THIAM
RABAT – Après Versailles en 2022, c’est à Rabat que le Forum international Avenir Territoires (Fiaterr), pour sa deuxième édition, s’est posé pour poursuivre la mission qu’il s’est donnée : une « plateforme de réflexion et d’échanges agissant comme un catalyseur d’initiatives pour les collectivités territoriales ». Cette fois-ci, il est question de « Financement du développement territorial » après que la première édition s’est focalisée sur la problématique de la digitalisation des territoires. Le choix de ce thème part d’un constat : en dépit des efforts consentis par la plupart des États africains, les collectivités locales sont aujourd’hui confrontées à des défis considérables en matière de financement qui entravent leur capacité à fournir des services publics locaux de qualité tels que l’eau, l’électricité, la santé, l’éducation et les infrastructures.
Ainsi donc, aux yeux d’Aliou Sall, fondateur du Fiaterr, il était « primordial de réfléchir à des solutions innovantes et durables pour garantir un financement adéquat et pérenne des collectivités territoriales ». Le plaidoyer en faveur des collectivités territoriales est d’autant plus justifié que l’administrateur général de l’Université africaine des sciences et technologies (Emia), co-organisatrice du Forum, avec l’Association des régions du Maroc (Arm), a rappelé le rôle essentiel que celles-ci jouent dans le développement économique et social des pays africains. « Elles sont en première ligne pour répondre aux besoins des populations (…). Au-delà des collectivités territoriales, c’est le développement de nos pays et l’amélioration des conditions de vie de nos populations dont il s’agit. Toutes les évaluations de l’atteinte des Omd, puis des Odd, montrent que ce sont les pays les mieux décentralisés qui affichent les meilleurs scores », a-t-il signifié, non sans exhorter à une meilleure allocation des ressources et à un renforcement de la subsidiarité à l’intérieur de la sphère publique.
Explorer toutes les ingénieries financières possibles
Après avoir posé, de manière remarquable, le diagnostic du mal qui empêche les collectivités territoriales de prendre leur envol pour le grand bonheur de leurs administrés, la présidente de l’Arm, Mbarka Bouaida, a dégagé quelques pistes de solutions que résume cette phrase : « que les collectivités territoriales mettent en place toute ingénierie financière leur permettant d’optimiser les instruments classiques déjà existants et de s’ouvrir sur les opportunités qu’offrent les instruments innovants, que ce soit à travers les financements croisés en partenariat avec le secteur privé ou les financements via le marché des capitaux ». En termes clairs, Mme Bouaida préconise que les collectivités territoriales tissent des relations avec le secteur privé pour le co-financement de services publics locaux, notamment les équipements collectifs. Et les formules pour y arriver ne manquent pas, d’après elle. Elle cite les partenariats publics privés, l’économie mixte, les délégations de services publics, les co-financements locaux, les apports de la coopération décentralisée. Sans oublier le recours à la dette, à l’emprunt en devises et le financement via le marché obligataire.
De belles idées certes, mais encore faudrait-il que les collectivités territoriales aient le personnel qualifié pour les mettre en œuvre. Cette préoccupation a été soulevée par Jean-Pierre Elong Mbassi, Secrétaire général de Cités et Gouvernements locaux unis d’Afrique (Cglu-A). Selon lui, l’amorçage du financement du développement des collectivités territoriales dépend d’une variable essentielle : la qualité de leurs ressources humaines. « La matière grise est la matière première la plus importante au monde. Nous devons aussi réfléchir sur la manière de former les acteurs qui vont porter la recherche de financement. La session de formation, à la veille de ce Forum, est en soi un bon pas, il faut continuer dans cette voie », a-t-il encouragé.
En attendant la pérennisation de cette formation, le Fiaterr peut s’attendre à voir son partenariat avec l’Uemoa, à travers son Conseil des collectivités territoriales (Cct), que dirige notre compatriote Omar Bâ, maire de Ndiob, se renforcer. En tout cas, c’est l’engagement pris par M. Bâ car, a-t-il insisté, le Fiaterr et le Cct ont les mêmes préoccupations quant à la nécessité de renforcer le pouvoir financier des collectivités pour leur permettre de remplir leurs missions. « Nous étudierons comment inscrire ce Forum dans notre agenda classique pour pouvoir accompagner et soutenir cette réflexion qui nous est commune », a-t-il déclaré.
ADAMA DIOUF, MINISTRE-CONSEILLER CHARGÉ DE DÉCENTRALISATION ET DE DÉVELOPPEMENT TERRITORIAL
« Partir de la base, c’est la voie du salut pour assurer un développement territorial durable »
Venu représenter le président de la République Macky Sall au Forum international Avenir Territoires (Fiaterr), Adama Diouf, Ministre-Conseiller en charge des questions de décentralisation et de développement territorial, a salué le choix du thème « Financement du développement territorial ». Cette question, selon lui, demeure centrale au Sénégal, notamment dans le cadre de la réforme de l’Acte 3 de la décentralisation qui a mis le curseur sur deux points importants que sont le financement du développement territorial et la cohérence territoriale. « Pour le premier point, il s’agit de partir des territoires pour booster le développement. Autrement dit, si nous voulons construire nos pays, il faut partir de la base, des préoccupations des communautés et formuler les projets et programmes de développement portés par les collectivités territoriales », a-t-il soutenu. D’après lui, c’est la voie du salut pour assurer un développement territorial durable. « C’est cette approche qui nous a permis de mettre en place des projets et programmes comme le Pudc, le Puma, le Pacasen, Promovilles », justifie-t-il.
ABDEL WAHAB EL JABRI, SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DU MINISTÈRE DE L’INTÉRIEUR ET DIRECTEUR GÉNÉRAL DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
Une politique de décentralisation en perpétuelle amélioration
Considérée comme un modèle en Afrique en matière de décentralisation, le Maroc ne cesse pourtant pas de réformer pour davantage renforcer l’autonomie de ses collectivités territoriales. Le Wali (Gouverneur), Abdel Wahab El Jabri, Secrétaire général du ministère de l’Intérieur et Directeur général des Collectivités locales, a informé que son pays est actuellement en train de mener des réflexions avec la participation des élus, des administrations financières de l’État et différents partenaires dans le cadre de la réforme de la fiscalité locale. Celle-ci tourne autour de trois principaux axes : la simplification de la fusion des taxes de même nature portant sur le foncier et les activités économiques et la mise en place de taxes locales structurantes ; la révision et la clarification des bases et des taux d’imposition, ainsi que la mise en place d’instruments novateurs de différenciation par zone ; la reconfiguration du mode de gouvernance et de gestion de la fiscalité locale par la révision de la répartition des compétences entre les administrations financières de l’État et celle des collectivités territoriales et par l’organisation de l’administration fiscale locale. « L’objectif d’une telle réforme est de donner aux collectivités territoriales un cadre d’action claire et des moyens viables et pérennes pour qu’elles puissent améliorer les conditions de vie des citoyens et favoriser l’installation et l’épanouissement de l’activité économique », a insisté Abdel Wahab El Jabri qui a présidé la cérémonie d’ouverture de la deuxième édition du Fiaterr.
Source : https://lesoleil.sn/forum-international-a-rabat-le...